quinta-feira, 19 de julho de 2018

Le Figaro (França) – L’exploitation minière des grands fonds est imminente

MEIO AMBIENTE E ENERGIA


Le Figaro (França) – L’exploitation minière des grands fonds est imminente


Pressés de bénéficier des richesses qui sont au fond des mers, les pays réunis à la Jamaïque tentent de négocier des règles de gestion.
MARIELLE COURT

OCÉANS La question ne semble plus être de savoir s’il faut aller chercher les ressources minières dans les eaux profondes des océans du monde. Il s’agit plutôt de savoir quand la première autorisation va être donnée. Et à en croire les représentants du monde entier réunis à la Jamaïque sous l’égide de l’ONU pour la 24e session annuelle de l’Autorité internationale des fonds marins (ISA), c’est imminent.

De quoi parle-t-on? Des extraordinaires ressources minérales que l’on trouve dans les grands fonds, le plus souvent bien au-delà des ZEE (zones économiques exclusives) de chaque pays. Ce sont les nodules polymétalliques qui sont posés sur les sédiments et qui contiennent du manganèse, du nickel, du cobalt ou en¬core des terres rares… Près des sources hydrothermales, on trouve de la même manière des dépôts de sulfures polymétalliques, avec notamment de l’or, du cuivre, du zinc. Enfin, il y a ce que les spécialistes appellent les encroûtements cobaltifères qui contiennent… du cobalt.

Depuis de nombreuses années, certains pays, dont la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Chine mais aussi la France, ont des autorisations pour mener des prospections dans les eaux internationales sur des territoires qui leur ont été attribués (29 au total, pour plus d’1,5 million de km2) mais, pour l’heure, il n’est toujours pas question d’exploitation. Or la pression est de plus en plus forte, avec un argument que certains estiment imparable: même si les risques d’atteintes à la biodiversité de ces grands fonds sont de plus en plus évidents au fur et à mesure que les travaux de recherche sont menés, ces métaux sont aussi indispensables « pour des produits de haute technologie, tels que les téléphones portables, mais également les technologies vertes, telles que les éoliennes, les panneaux solaires ou les batteries pour stocker l’électricité », rappelle l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

« L’exploitation commerciale pourrait commencer dès 2020 dans les eaux côtières de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et en 2025 dans les eaux internationales », insiste l’organisme. Mais, il le rappelle également, « les grands fonds marins sont sous-étudiés et du coup relativement peu connus. Il existe beaucoup de fossés entre notre compréhension de leur biodiversité et des écosystèmes, ce qui rend difficile une évaluation précise des impacts potentiels de l’exploitation minière et de ce qu’il faudrait mettre en place pour protéger la biodiversité. »

Les spécialistes redoutent toutefois la destruction des espèces uniques qui peuplent ces zones très profondes, voire « de prendre le risque d’en éradiquer avant même qu’elles aient été recensées », ajoute Matthew Gianni, cofondateur de la Deep Sea Conservation Coalition (DSCC, qui regroupe 80 organisations engagées dans la protection des océans). Sans parler des autres nuisances, tels que les panaches de sédiments qui troubleraient constamment l’eau, tout comme la pollution sonore ou encore celle liée à d’éventuelles fuites des machines destinées à l’exploitation.

À défaut d’empêcher les futures extractions, les ONG, tout comme les scientifiques, font pression pour que les règles de gestion qui doivent sortir de ces négociations soient les plus protectrices possible pour l’environnement. La DSCC plaide notamment pour des méthodes de travail transparentes. Il faut « que toutes les informations ayant trait à l’impact des activités d’extraction sur l’environnement soient ¬publiques et puissent être évaluées », explique-t-elle. « Et sur ce point, il y a eu une petite avancée, car la Belgique qui devrait être l’un des premiers pays à tester des équipements techniques dans leur zone de réclamation a accepté de tenir des consul—tations publiques sur les procédures d’évaluation d’impact environnemental », pré¬cise Matthew Gianni.

Mais les scientifiques sont encore plus exigeants. Ils proposent d’établir des zones protégées dont la surface couvrirait 30 à 50 % des zones d’exploitation. Et dans un article publié en avril dernier dans Marine Policy, une équipe internationale de chercheurs insiste sur la très grande richesse biologique des cheminées hydrothermales au regard du faible intérêt qu’il y aurait à exploiter les minerais qui les composent. ONG et scientifiques ont encore quelques jours pour se faire entendre.

Nenhum comentário: