MEIO AMBIENTE E ENERGIA
Le Figaro (França) – L’exploitation minière des grands fonds est imminente
Pressés
de bénéficier des richesses qui sont au fond des mers, les pays réunis à
la Jamaïque tentent de négocier des règles de gestion.
MARIELLE COURT
OCÉANS
La question ne semble plus être de savoir s’il faut aller chercher les
ressources minières dans les eaux profondes des océans du monde. Il
s’agit plutôt de savoir quand la première autorisation va être donnée.
Et à en croire les représentants du monde entier réunis à la Jamaïque
sous l’égide de l’ONU pour la 24e session annuelle de l’Autorité
internationale des fonds marins (ISA), c’est imminent.
De
quoi parle-t-on? Des extraordinaires ressources minérales que l’on
trouve dans les grands fonds, le plus souvent bien au-delà des ZEE
(zones économiques exclusives) de chaque pays. Ce sont les nodules
polymétalliques qui sont posés sur les sédiments et qui contiennent du
manganèse, du nickel, du cobalt ou en¬core des terres rares… Près des
sources hydrothermales, on trouve de la même manière des dépôts de
sulfures polymétalliques, avec notamment de l’or, du cuivre, du zinc.
Enfin, il y a ce que les spécialistes appellent les encroûtements
cobaltifères qui contiennent… du cobalt.
Depuis
de nombreuses années, certains pays, dont la Grande-Bretagne,
l’Allemagne, la Chine mais aussi la France, ont des autorisations pour
mener des prospections dans les eaux internationales sur des territoires
qui leur ont été attribués (29 au total, pour plus d’1,5 million de
km2) mais, pour l’heure, il n’est toujours pas question d’exploitation.
Or la pression est de plus en plus forte, avec un argument que certains
estiment imparable: même si les risques d’atteintes à la biodiversité de
ces grands fonds sont de plus en plus évidents au fur et à mesure que
les travaux de recherche sont menés, ces métaux sont aussi
indispensables « pour des produits de haute technologie, tels que les
téléphones portables, mais également les technologies vertes, telles que
les éoliennes, les panneaux solaires ou les batteries pour stocker
l’électricité », rappelle l’UICN (Union internationale pour la
conservation de la nature).
«
L’exploitation commerciale pourrait commencer dès 2020 dans les eaux
côtières de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et en 2025 dans les eaux
internationales », insiste l’organisme. Mais, il le rappelle également, «
les grands fonds marins sont sous-étudiés et du coup relativement peu
connus. Il existe beaucoup de fossés entre notre compréhension de leur
biodiversité et des écosystèmes, ce qui rend difficile une évaluation
précise des impacts potentiels de l’exploitation minière et de ce qu’il
faudrait mettre en place pour protéger la biodiversité. »
Les
spécialistes redoutent toutefois la destruction des espèces uniques qui
peuplent ces zones très profondes, voire « de prendre le risque d’en
éradiquer avant même qu’elles aient été recensées », ajoute Matthew
Gianni, cofondateur de la Deep Sea Conservation Coalition (DSCC, qui
regroupe 80 organisations engagées dans la protection des océans). Sans
parler des autres nuisances, tels que les panaches de sédiments qui
troubleraient constamment l’eau, tout comme la pollution sonore ou
encore celle liée à d’éventuelles fuites des machines destinées à
l’exploitation.
À
défaut d’empêcher les futures extractions, les ONG, tout comme les
scientifiques, font pression pour que les règles de gestion qui doivent
sortir de ces négociations soient les plus protectrices possible pour
l’environnement. La DSCC plaide notamment pour des méthodes de travail
transparentes. Il faut « que toutes les informations ayant trait à
l’impact des activités d’extraction sur l’environnement soient
¬publiques et puissent être évaluées », explique-t-elle. « Et sur ce
point, il y a eu une petite avancée, car la Belgique qui devrait être
l’un des premiers pays à tester des équipements techniques dans leur
zone de réclamation a accepté de tenir des consul—tations publiques sur
les procédures d’évaluation d’impact environnemental », pré¬cise Matthew
Gianni.
Mais
les scientifiques sont encore plus exigeants. Ils proposent d’établir
des zones protégées dont la surface couvrirait 30 à 50 % des zones
d’exploitation. Et dans un article publié en avril dernier dans Marine
Policy, une équipe internationale de chercheurs insiste sur la très
grande richesse biologique des cheminées hydrothermales au regard du
faible intérêt qu’il y aurait à exploiter les minerais qui les
composent. ONG et scientifiques ont encore quelques jours pour se faire
entendre.
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