Les Echos (França) – Dans le monde, le spectaculaire ralentissement du nouveau nucléaire
Selon le dernier rapport de l'AIE sur l'investissement dans l'énergie, la capacité installée de production d'électricité d'origine nucléaire a reculé de 2 gigawatts en 2017.
Anne Feitz
Alors que le démarrage de l'EPR de Flamanville n'en finit pas d'être reporté, le nouveau nucléaire dans le monde subit un ralentissement spectaculaire depuis le début de la décennie. Les commandes de nouveaux réacteurs se comptent sur les doigts de la main, tandis que les fermetures se multiplient. Selon le rapport sur les investissements dans l'énergie de l'AIE (Agence internationale de l'énergie), publié il y a quelques jours, les investissements dans les nouvelles capacités nucléaires sont tombés à 9 milliards de dollars en 2017, en chute de 70 % par rapport à 2016 (une année il est vrai record depuis dix ans). A comparer au montant total investi dans la production d'électricité l'an dernier, y compris dans les centrales existantes: 750 milliards de dollars.
Seuls 4 réacteurs ont été mis en service en 2017, représentant 7 gigawatts - dont 3 en Chine. Au total, la capacité de production d'électricité atomique dans le monde a reculé de 2 gigawatts (GW) l'an dernier. Le dernier rapport sur l'état de l'industrie nucléaire World Nuclear Industry Status Report (WNISR), publié en septembre 2017, recensait 403 réacteurs en fonctionnement dans le monde, représentant une capacité de 351 GW, loin des records constatés en 2002 pour le nombre de réacteurs (438) ou en 2010 pour la capacité installée (367 GW).
La catastrophe de Fukushima, en 2011, la compétitivité croissante des énergies renouvelables, aussi, ont provoqué un sérieux coup d'arrêt aux lancements de nouveaux projets dans l'atome, notamment dans les pays développés. L'acceptabilité sociale et les doutes croissants sur la rentabilité du nouveau nucléaire constituent de puissants freins. « Les additions de capacités nucléaires depuis dix ans se sont concentrées en Asie, tirées par la Chine et la Corée, tandis que les retraits sont intervenus en Europe, aux Etats-Unis et au Japon », rappelle l'AIE dans son rapport. L'Allemagne, la Suède ou les Etats-Unis ont de fait déjà engagé des fermetures de réacteurs.
Chantiers concentrés en Chine
Alors que des sommes croissantes sont affectées à la prolongation de la durée de vie des centrales en exploitation, l'Agence a néanmoins recensé 60 GW en construction (dont à peine 3 GW entamés en 2017). Selon le WNISR, une grande partie des réacteurs en construction se situent en Chine (20 sur 53 chantiers à la mi-2017), mais il y en a aussi en Russie, en Inde, au Pakistan, aux Emirats arabes unis, au Brésil…
Le russe Rosatom compte à lui seul une dizaine de chantiers, en Turquie, en Hongrie, en Finlande ou encore en Biélorussie. Quant aux réacteurs envisagés par des pays comme l'Afrique du Sud ou l'Arabie saoudite, ils restent encore à ce stade des projets plus ou moins lointains.