quarta-feira, 25 de julho de 2018

Libération (França) – 2017, année meurtrière pour l’environnement


Libération (França) – 2017, année meurtrière pour l’environnement


Le rapport annuel de l’ONG Global Witness confirme la hausse continuelle du nombre de défenseurs de l’environnement assassinés. Les conflits sur l’usage économique des terres sont le plus souvent en cause, et les meurtres restent largement impunis.

Amauri Pereira Silva (Brésil), Javier Oteca Pilcué (Colombie), Laura Leonor Vásquez Pineda (Guatemala), Luís Manuel Medina (République dominicaine), Duba Issa (Kenya), Celedonia Zalazar Point (Nicaragua), Dharmendra Vala (Inde), Lung Jarm Phe (Birmanie)… Quelques-uns des noms des (au moins) 207 défenseurs de l’environnement assassinés en 2017. L’ONG Global Witness, qui publie ce mardi un rapport sur le sujet, en avait dénombré 200 l’année précédente, et 185 en 2015. Ce décompte macabre, qui ne cesse d’augmenter depuis cinq ans, ne révèle que l’extrême issue de ces attaques : les meurtres. Mais Global Witness pointe aussi la multiplication des menaces, des agressions sexuelles, des interdictions de sortie du territoire ou encore des expropriations que subissent ces activistes à travers le monde. Dans son édition 2018, l’ONG décrit aussi ce qui s’apparente à des tueries de masse.

Au Brésil, le 30 avril 2017, 200 fermiers attaquaient à la machette des membres de la communauté gamela, dans l’Etat de Maranhão (nord-est). Treize ont été hospitalisés, certains ont perdu leurs mains et leurs pieds. Le 3 décembre, c’est aux Philippines que 8 membres de la communauté Taboli-Manubo sont tués, 10 portés disparus et 200 évacués après une attaque de l’armée. La situation dans le pays s’est fortement dégradée depuis le début en 2016 de la présidence de Rodrigo Duterte. «Il n’y a pas de surprise à ce que les violences se multiplient aux Philippines quand le chef d’Etat et d’autres représentants appellent, devant les télévisions, à tuer les défenseurs des droits humains», dénonce Erin Kilbride, porte-parole de l’ONG Front Line Defenders, qui estime que près de 70 % des activistes des droits humains tués l’an dernier l’ont été pour avoir défendu l’environnement. En tout, Global Witness a dénombré sept cas où plus de quatre défenseurs ont été assassinés en même temps.

Tueurs à gages
La Colombie a aussi vu une recrudescence des violences depuis la signature en 2016 de l’accord de paix avec les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie), qui a mis fin à cinquante-deux années de guerre civile dans le pays. Alors que des territoires ont été libérés de l’occupation des forces armées rebelles, des industriels du secteur agroalimentaire tentent à tout prix de mettre la main dessus. Quitte à exproprier de force les communautés qui y vivent. Le 6 juillet, des veillées ont été organisées à travers le pays en mémoire des victimes, après une semaine entachée de nombreux meurtres. Dans la foulée, l’organisation Forest Peoples Programme a appelé à agir pour la protection de l’activiste Clemencia Carabalí Rodellaga, qui a reçu plusieurs menaces de mort contre elle et ses enfants. Le père de Ramon Bedoya (lire témoignage ci-contre), un défenseur connu des terres de sa communauté de la région du Choco, a été lui tué de 14 balles en décembre 2017 par des tueurs à gages payés par des paramilitaires, selon le militant de 18 ans. «Pour la première fois, c’est l’agrobusiness qui a été l’industrie la plus meurtrière, avec au moins 46 meurtres associés à ce secteur, s’insurge Ben Leather de Global Witness. Les étagères de nos supermarchés sont remplies de produits issus de ce carnage.»

Au Liberia, les douze années de guerre civile (1989-1997 et 1999-2003) ont dévasté les structures de l’Etat et laissé place à la corruption et au laisser-faire dans le secteur de l’agroalimentaire. «Beaucoup de terres ont été données à des concessionnaires de l’industrie du bois, de l’exploitation minière et des plantations d’huile de palme et d’hévéas [arbre qui permet de fabriquer du caoutchouc, ndlr] au détriment, souvent, des communautés locales auxquelles on ne demande pas leur avis, décrit Wilhemina Beyan de l’association libérienne Entrepreneurs sociaux pour le développement durable. L’exploitation agricole participe à la pollution de l’eau, à la destruction des forêts sacrées et à des violations régulières des droits humains.»

Légères améliorations
Ces violences persistent à travers la planète et se multiplient car elles restent largement impunies. Ainsi, sur les 458 assassinats d’activistes des droits humains perpétrés entre 2009 et 2016, 87 % n’ont donné lieu à aucunes poursuites judiciaires, selon le programme Somos Defendores. «Dans les affaires impliquant des industries extractives, on trouve souvent un réseau complexe d’organisations multinationales, de filiales locales, de banques, de représentants du gouvernement avec des liens avec les entreprises et de polices locales et d’Etat qui font plus de la sécurité privée pour les industriels que pour les citoyens», déclare Erin Kilbride, de Front Line Defenders. Depuis plusieurs années, elle perçoit tout de même de légères améliorations. «L’augmentation des meurtres dénombrés est aussi due à une amélioration des moyens de décomptes et de la large médiatisation du sujet, poursuit-elle. Nous avons aussi vu des investisseurs se retirer de certains projets, comme celui pour lequel a été tuée l’activiste Berta Cáceres en mars 2016 au Honduras. Mais le prix de ces progrès ne devrait pas être le sang versé par certains citoyens.»
Par Aude Massiot

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