Plus de 1 milliard de personnes pourraient migrer d'ici à la fin du siècle, en raison du dérèglement du climat
La question ne figure pas à l'ordre du jour de la conférence des Nations unies sur le climat, la COP23, qui débute lundi 6 novembre à Bonn (Allemagne), mais elle surgira inévitablement dans les débats. Comment répondre à la pression des " déplacés " climatiques, ces populations poussées au départ en raison de l'intensification des tempêtes, des épisodes de sécheresse et de la violence des moussons, ou frappées par des phénomènes moins brutaux mais tout aussi destructeurs, comme la montée des eaux?
L'ONG internationale Oxfam, qui publie jeudi 2 novembre son premier rapport sur les " Déracinés par le changement climatique ", estime que 23,5 millions de personnes ont été contraintes de fuir leur terre et leur foyer en 2016 à la suite de catastrophes naturelles extrêmes. Sur la période 2008-2016, analysée par les experts d'Oxfam, ce sont en moyenne 21,8 millions de personnes qui ont dû, chaque année, quitter leur cadre de vie.
Et il faut s'attendre à une révision à la hausse de ces chiffres puisque, comme le signalent les auteurs du rapport, " la montée des eaux, l'évolution des précipitations et d'autres changements réduisent les moyens de subsistance et augmentent le risque de voir, à l'avenir, beaucoup plus de gens se déplacer".
Entre ouragans, inondations, sécheresses et incendies, l'année 2017 s'illustre par une succession alarmante de catastrophes naturelles. Depuis cet été, " les Caraïbes et le sud-est des Etats-Unis ont connu une saison des ouragans absolument dévastatrice ", relève l'étude d'Oxfam, rappelant les dégâts causés successivement par Harvey, Irma et Maria. " En août, de violentes inondations de mousson ont touché plus de 43 millions de personnes au Bangladesh, au Népal et en Inde ", ajoute Oxfam International.
Aucun continent n'est épargné
La photographie proposée par l'Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC), pour les seuls mois de septembre-octobre, confirme l'étendue du problème. L'inventaire dressé montre qu'aucun continent n'est épargné.
Aux individus fuyant la sécheresse en Somalie et les inondations en République démocratique du Congo s'ajoutent les habitants du Costa Rica, du Nicaragua ou des Etats-Unis déplacés par l'ouragan Nate, les milliers d'Indonésiens et de Vietnamiens exposés à diverses catastrophes naturelles, ou encore les habitants de la province de Minho, au Portugal, en Minho, au Portugal, confrontés à de violents feux de forêt.
L'état des lieux publié mardi 31 octobre par la revue médicale britannique The Lancet, en partenariat avec vingt-quatre institutions internationales dont l'Organisation météorologique mondiale (OMM), ne rassure guère sur les perspectives à venir.
Le nombre d'événements météorologiques extrêmes a augmenté de 46 % dans le monde depuis 2000, selon l'OMM. Plus de 1 milliard de personnes pourraient migrer, d'ici à la fin du siècle, en raison du réchauffement climatique, avance également la synthèse du Lancet Countdown on health and climate change (Compte à rebours sur la santé et le changement climatique, un groupe de recherche publiant un rapport annuel).
L'élévation du niveau de la mer – qui se traduit par une érosion côtière et des inondations accrues – est le sujet le plus sensible pour les Etats insulaires du Pacifique, confrontés à un processus de submersion de leurs terres. "L'existence même des atolls à travers le monde, comme Kiribati, Tuvalu ou les îles Marshall, est menacée ", insistent les experts d'Oxfam, complétant leur analyse par des témoignages recueillis dans plusieurs villages des Kiribati.
La COP23 ne devrait pas être sourde à cette problématique, puisqu'elle va confier les rênes des négociations à un pays directement concerné, les îles Fidji. Succédant au Maroc, l'Etat insulaire n'était pas en mesure d'organiser sur son sol ce rendez-vous onusien réunissant des milliers de délégués et d'observateurs. C'est donc Bonn qui accueillera la conférence. Mais " cette COP sera l'occasion de donner la parole aux pays à revenu faible, qui sont les plus vulnérables aux impacts du changement climatique ", pressent Simon Bradshaw, d'Oxfam Australie, coauteur du rapport.
"Ce que nous voulons, c'est transmettre un sens de l'urgence pendant la COP23, déclare de son côté la négociatrice en chef des îles Fidji, Nazhat Shameem Khan. En tant qu'Etat insulaire, nous sommes aux premières loges pour ressentir les effets du réchauffement climatique. "
L'urgence est double. Les populations victimes ou menacées de déplacement attendent un soutien de la communauté internationale pour financer leurs stratégies d'adaptation aux effets du changement climatique. Elles espèrent aussi que le mécanisme financier dit de " pertes et dommages ", prévu par l'accord de Paris de 2015, se précisera et aboutira au plus vite à un système d'indemnisation des pays les plus vulnérables au dérèglement du climat.
Le vide juridique auquel sont confrontées les personnes poussées au départ constitue une autre priorité d'action. Le statut de réfugié défini par la Convention de Genève de 1951 s'applique aux individus fuyant leur pays par crainte d'y être persécutés, elle ne convient pas aux déplacés climatiques, qui restent le plus souvent dans leur pays. " Il faut développer de nouvelles normes, analyse Simon Bradshaw. C'est l'enjeu du pacte mondial pour les migrations qui doit être adopté par l'Assemblée générale des Nations unies en septembre 2018. "
Le gouvernement néo-zélandais a décidé d'aller plus vite. Devant le refus répété de la justice du pays d'octroyer le statut de réfugiés -climatiques à des familles de Tuvalu et des Kiribati, au motif qu'aucune base légale n'existait pour accorder un tel statut, Wellington envisage de créer une " nouvelle catégorie expérimentale de visa humanitaire pour les personnes fuyant la montée du niveau des océans ", a annoncé, le 31 octobre, James Shaw, le ministre du changement climatique.
Simon Roger
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