sexta-feira, 31 de agosto de 2018

Le Monde (França) – Au Portugal, l'électricité est plus verte

Le Monde (França) – Au Portugal, l'électricité est plus verte


Le pays, qui vise la neutralité carbone en 2050, mise sur l'énergie de l'eau, du vent et du soleil

Gorgés de soleil, les panneaux photovoltaïques étincellent au -milieu d'un immense bassin bleu azur, entouré de -vallons verdoyants. Eau et feu, ombre et lumière. Ici, à l'extrême nord du -Portugal, avec le réservoir d'Alto Rabagao, le groupe Energias de Portugal (EDP) teste une techno-logie unique en Europe : l'association d'un barrage hydroélectrique et d'une centrale solaire flottante. Une innovation qui symbolise les ambitions de ce petit pays de 10  millions d'habitants, devenu l'un des champions européens des énergies renouvelables. En mars, sa production d'électricité verte a même dépassé la consommation nationale, le surplus étant exporté vers l'Espagne.

Le démonstrateur d'Alto Rabagão est de petite taille : 840 modules photovoltaïques qui, bout à bout, occupent la surface d'un demi-terrain de football, noyé dans une cuvette huit mille fois plus vaste. D'une puissance de 220 kilowatts, ils ne peuvent guère alimenter en courant qu'une centaine de foyers. Mais l'expérimentation, lancée à l'automne 2016, pour un coût de 450 000  euros, se révèle prometteuse.

" Le milieu aquatique refroidit les cellules photovoltaïques, ce qui accroît leur rendement de 4 à 10  %, indique Rui Teixeira, vice-président exécutif d'EDP. En outre, le système n'a pas d'impact sur l'environ-nement, puisqu'il est intégré au barrage : il n'accapare pas de terres et ne nécessite pas de lignes électriques supplémentaires. " Un atout d'autant plus précieux qu'Alto Rabagao se trouve à l'intérieur du parc national de Peneda-Gerês. Mieux, la centrale flottante réduit l'évaporation du réservoir et limite la prolifération d'algues, tout en servant de refuge aux alevins.

Le site n'a pas été choisi au hasard. Aménagé à 800 mètres d'altitude et battu par les vents qui y soulèvent des vagues d'un mètre de hauteur, il subit aussi, du fait du fonctionnement du barrage, des variations de 30 mètres du -niveau d'eau. Ce qui permet d'éprouver la robustesse de la plate-forme photovoltaïque, conçue par la société française Ciel &  Terre, basée près de Lille (Nord). Si le test est concluant, il sera suivi d'un projet à plus grande échelle, de 20 mégawatts (MW), ce qui, estime Rui Teixeira, " rendra la technique compétitive ". Avec sa filiale consacrée aux renouvelables, EDP Renovaveis, l'opérateur historique du secteur énergétique au Portugal – sur lequel le groupe chinois China Three Gorges, qui détient déjà 23  % de son capital, a lancé au printemps une offre publique d'achat – envisage de développer le procédé sur le plus grand barrage portugais, celui d'Alqueva, dans l'Alentejo, au sud du pays. Et peut-être de l'exporter au Brésil, où l'énergéticien est très présent.

Les barrages hydrauliques construits au fil de ses fleuves, rivières et torrents restent toutefois le socle de la production d'énergie renouvelable du Portugal, qui en compte quelque 200, dont un quart de grande capacité, surtout dans sa moitié nord. Tel celui de Venda Nova III, en aval d'Alto Rabagao : mise en service en  2017, pour un investissement de 370  millions d'euros, cette unité de 780  MW est la plus puissante du pays.

" Sa particularité, décrit Manuel Alberto Oliveira, qui a conduit le projet chez EDP, est d'être équipée de deux machines réversibles pouvant fonctionner alternativement comme pompes et comme tur-bines, avec des vitesses modulables. " Le système permet de faire remonter l'eau d'un bassin inférieur et de la stocker dans un réservoir supérieur plus haut de 420 mètres, en profitant de l'électricité produite par les énergies renouvelables intermittentes -(éolien et solaire) aux heures de faible consommation, pour la relâcher aux heures de pointe, avec un débit de 200  m3 par seconde.

Mais le Portugal est aussi une terre de grand vent, qui souffle plus de 2 500  heures par an sur ses crêtes où se déploient 250 fermes éoliennes. Tout au nord-ouest, près de la frontière avec la Galice espagnole, EDF Energies Nou-velles a installé le parc d'Alto Minho I, le plus grand d'Europe lors de sa mise en service en  2008 et toujours, après son extension en  2016, le plus important du pays.

Plantés à perte de vue dans la rocaille et le maquis, où vivent en liberté chevaux, vaches aux longues cornes et meutes de loups ibériques, 130 mâts sont répartis sur cinq sites interconnectés. -" Ensemble, ils totalisent une puissance de 263  MW, soit 5  % de la capacité éolienne nationale, et produisent l'équivalent de la consommation annuelle d'électricité de 460 000 personnes, le double des besoins des communes de la région avec lesquelles le projet a été mis en place ", indique Antonio Lima Teixeira, directeur général d'EDF Renewables Portugal. Cette filiale a été la première implantation de l'électricien français à l'étranger, au début des années 2000, à la -faveur, explique son directeur, de la politique volontariste menée par le gouvernement pour promouvoir la filière éolienne, avec des tarifs de rachat garantis.

Aucune turbine ne tourne pourtant au large des côtes portugaises, le plancher océanique étant trop profond. L'éolien offshore passera ici par des fermes flottantes, dont une douzaine est en projet. Plus étonnant pour un territoire baigné de soleil, le solaire photovoltaïque n'a encore qu'une place marginale, avec moins d'une centaine d'installations de faible capacité. Son développement, qui devrait se faire principalement dans le sud du pays, nécessitera le renforcement d'un réseau électrique sous-dimensionné. Une interconnexion avec le Maroc est aussi à l'étude, le Portugal, isolé à l'extrémité d'une péninsule, n'étant pour l'instant relié qu'à l'Espagne.

Au troisième rang en Europe

" Au premier trimestre 2018, les ressources renouvelables ont fourni 62  % de notre électricité et, au mois de mars, leur production a atteint 103,6  % de la consommation nationale, dit Antonio Sa da Costa, président de l'Association portugaise des énergies renouvelables qui regroupe les professionnels du secteur. En moyenne – car l'hydraulique est tributaire des précipitations annuelles –, elles couvrent près de 55  % de notre consommation électrique, soit plus de 28  % de notre demande énergétique totale. "

Ces résultats classent le Portugal au troisième rang des pays européens, derrière l'Autriche et la Suède, pour la part des renouvelables dans le mix électrique, et à la septième place pour la part dans le mix énergétique global. Il devance largement l'Italie ou l'Espagne, qui n'en sont qu'à 17  % de leur mix énergétique, et la France, qui stagne à 16  %. La filière représente 55 000  emplois et, ajoute Joao Abel Peças Lopes, directeur de l'Institut technologique et scientifique Inesc Tec de Porto, 400 chercheurs travaillent dans ce domaine.

Pour le reste de ses besoins, le Portugal, qui ne possède pas de centrale nucléaire, fait appel à du fioul, du gaz et du charbon importés. Mais il veut verdir encore davantage son bouquet énergétique. Antonio Sa da Costa en est convaincu : " 100  % d'électricité renouvelable dès  2040, c'est possible. "
Pierre Le Hir

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