Joël Cossardeaux
Selon les experts scientifiques mandatés par les Nations unies, une partie des impacts d'un réchauffement de 1,5 degré d'ici à 2100 seraient gérables en dépit de gros dégâts. Mais il faut s'y attaquer maintenant, via des investissements absolument massifs .
Un demi-degré en moins, et le sort de la planète ne serait plus aussi anxiogène. Avec un réchauffement de 1,5 degré d'ici à la fin de ce siècle, la vie serait moins rude sur Terre qu'avec un mercure en hausse de 2 degrés, entraînant la disparition de dizaines de milliers d'espèces vivantes et une bonne partie des ressources alimentaires de l'homme. Dévoilées lundi matin à Incheon (Corée du Sud), les conclusions du dernier rapport du Giec, le groupe d'experts mandaté par les Nations unies pour évaluer l'ampleur du réchauffement et son impact, ne laissent planer aucun doute sur la nécessité d'atteindre cet objectif mentionné dans l'Accord de Paris sur le climat, même s'il n'évitera pas à la planète d'être lourdement endommagée.
A + 2 degrés de réchauffement, niveau dont cet accord stipule qu'il faudra être « bien en dessous » en 2100, les risques de sécheresse et de pénurie d'eau seront bien plus élevés. Des pluies diluviennes s'abattront plus fréquemment sur l'est de l'Amérique du Nord et de l'Asie. Et les surfaces terrestres noyées par les crues seront bien plus importantes.
A + 1,5 degré d'élévation de la température, le décor change et certains impacts cessent d'être irréversibles. Le niveau des océans continuera certes de monter, mais plus lentement : il afficherait 10 centimètres de moins d'ici à la fin du siècle par rapport à un monde à 2 degrés, indique le « résumé pour les décideurs », tiré du rapport du Giec. Dix centimètres qui représentent 10 millions de personnes maintenues à l'abri des dangers liés à ce phénomène. Et un précieux répit accordé pour s'organiser, ici pour restaurer un espace naturel côtier, là pour relever une digue.
Reste que la faune et la flore terrestres seront toujours affectées par la dégradation de leur écosystème due au réchauffement, les espèces menacées risquant tout de même d'être moitié moins nombreuses. Les récifs de corail ne seront pas tirés d'affaire, loin s'en faut (entre 70 et 90 % seraient voués à disparaître), même s'ils échapperont à l'anéantissement promis par un réchauffement de 2 degrés.
Sauver les meubles
Sur le plan alimentaire, le régime à 1,5 degré serait moins drastique, bien qu'il s'annonce sévère. Il y aura moins de poissons à pêcher, mais la perte de ressource sera deux fois moins élevée (d'environ 1,5 million de tonnes par an) et les chutes de rendement dans l'agriculture plus faibles. La progression des populations exposées aux pénuries d'eau augmentera deux fois moins vite.
Ne pas dépasser 1,5 degré de réchauffement permettrait, en quelque sorte, de sauver les meubles. Mais encore faut-il y parvenir. Pour cela « les émissions de CO2 devraient diminuer d'environ 45 % d'ici 2030 par rapport au niveau de 2010 », indique le résumé pour les décideurs, négocié toute la semaine dernière et approuvé samedi par les représentants des Etats. Autre impératif absolu, porter au « point zéro » ces émissions entre 2045 et 2055, c'est-à-dire atteindre la neutralité carbone. Pas facile. « Cela nécessite la mise en oeuvre d'outils de transition rapides et à longue portée dans l'énergie, l'agriculture, les villes, les infrastructures et l'industrie », convient le rapport du Giec. Mais ce n'est pas mission impossible. Dans l'industrie, où les émissions de CO2 devront être inférieures en 2050 d'environ 75 à 90 % à ce qu'elles étaient en 2010, l'objectif peut être atteint en s'appuyant sur tout une palette de technologies nouvelles et existantes. Grâce aussi à l'agriculture, où de 1 à 7 millions de km2 de surfaces de pâturage et de culture pourraient être reconverties dans la production de bioénergie.
Rien n'est donc perdu. « Nous avons toutes les cartes en main pour lutter contre le réchauffement climatique », a estimé lundi Emmanuel Macron, le champion international de la lutte contre le réchauffement climatique. « Mais il faut que tout le monde agisse maintenant ! » a insisté le chef de l'Etat.
Le prix à payer s'annonce très élevé . Le « résumé pour les décideurs » avance, pour évaluer le besoin annuel d'investissement entre 2016 et 2035, le chiffre d'environ « 2.400 milliards de dollars » (valeur 2010). Un montant pharaonique, nécessaire au changement de modèle énergétique de l'humanité. C'est « environ 2,5 % du PIB mondial », indique ce document. Vertigineux !
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